>> Toutes les rubriques <<
· Guerre 14-18 : lieux de mémoire (10)
· Guerre mondiale (2e) : Diem perdidi (X) (10)
· Guerre de Vendée : lieux de mémoire (10)
· Personnalités de la Vendée militaire (1) (10)
· Guerre de 1870 (10)
· Guerre mondiale (2e) : Diem perdidi (7) (10)
· Cousins Clemenceau de Billon (1) (7)
· Guerre mondiale (1ère) : le 328e R.I (4)
· Allez à Saint-Florent ... (10)
· Album famille 1 : génération I (8)
merci pour votre message. pas de problème, jacky clemenceau. http://clemenc eaudupetitmoul in.centerblog. net
Par clemenceaudupetitm, le 21.05.2021
merci pour votre sympathique message, bonne continuation ! jacky clemenceau. http://clemenc eaudupetitmoul in.
Par clemenceaudupetitm, le 21.05.2021
bonjour,
j'écris un livre sur la grande guerre de 1793 (aux éditions geste) et j'aimerais savoir si vous m'a
Par Anonyme, le 21.05.2021
bonjour,
je viens de revoir ce blog suite à l'émission d'hier soir sur st hélène avec stéphane bern. je suis
Par Anonyme, le 20.04.2021
voyage extraordinaire avec le comte de chanteleine, édition magellan...
https://ww w.editions-mag ellan.co
Par clemenceaudupetitm, le 28.02.2021
135eri 79eri angers article baronnière billon bonchamps botz clémenceau clemenceaudupetitmoulin daviddangers delusse
Blogs et sites préférés· chassebouviere
· monloiregaulois
Date de création : 03.03.2007
Dernière mise à jour :
28.02.2021
696 articles
Lublin et sa cathédrale (Pologne).
Photo extraite du site ut-pupillam-over-blog.com
Réponse de l'Ambassadeur à ma lettre :
"Lublin, 28 février 1945.
(Sigle de la Croix de Lorraine)
Le gouvernement et toute la Nation française ont accueilli, avec une joie profonde, la
nouvelle de la libération de milliers de citoyens français.
Le gouvernement sait que, malgré le dévouement émouvant du peuple polonais, les
conditions actuelles de vie de ces Français sont très dures, dans un pays martyrisé et ruiné.
D'accord avec ses alliés, il prend déjà les mesures qui s'imposent et que les circonstances,
dont il n'était pas le maître, l'avaient empêché de prendre plus tôt.
En son nom, je vous demande donc d'affronter et de vaincre ces difficultés, avec le moral
que vous avez gardé pendant des années de ténèbres, avec le moral que la France toute
entière, unie derrière le Général de Gaulle, montre aujourd'hui malgré les épreuves.
Par votre discipline et votre moral, aidez les Autorités alliées dans leur lourde tâche.
Vous êtes presque au bout de la dernière épreuve.
On s'occupe de vous.
Bientôt, vous reverrez vos Familles et votre Patrie.
A bientôt !
Le Délégué de la République française".
Merci, cher Monsieur (1), mais faites vite ! Car nous sommes à bout !
(1) Le Délégué de la République française à cette date est bien Christian Fouchet, mandaté par le général de Gaulle.
-Article dans la rubrique "Guerre mondiale (2ème) : Diem perdidi (6)".
Photo à venir.
15 mars 1945, toujours rien. Moi, je vais une peu mieux.
Les jours passent... et je suis toujours loin de ma famille, de ma fiancée... c'est loin, c'est
long !
Attendre, toujours attendre... Et en France ?
Que se passe-t-il ?
Les Américains sont là, bien sûr, trop peut-être !
Des rumeurs circulent... leurs uniformes et leurs dollars feraient vaciller certaines têtes
frivoles, peu fidèles.
Les absents ont toujours torts !
Déjà, au début de la captivité en Allemagne, notre moral était sapé par des nouvelles
lancées ça et là, et qui nous tenaillaient le coeur.
Cet exemple (1) :
"La presse britannique publiait sur la situation en France les nouvelles les plus sensationnelles. Un jour, peu après l'armistice, tous les journaux reproduisaient une information d'une agence américaine :
Selon cette dépêche, les autorités allemandes avaient décidé que toutes les femmes françaises devaient céder aux exigences des soldats allemands des troupes d'occupation. Mieux, chaque Française était tenue de mettre au monde au moins deux enfants mâles nés de ses relations...".
Mais avec les Américains, cela demande un accord des deux parties, ce qui est encore plus insupportable !
Et pourtant...
André Flaum est remplacé par un lieutenant à la tête de la C.H.R (Cie Hors Rang).
Nous le regrettons tous. Mais, il reste quand même avec nous.
Ce soir, mon coeur flanche. J'ai aussi une amygdale grosse qui me fait souffrir.
Décidément, je n'en sortirai pas !
18 mars : Pâques.
Un prêtre nous apporte la communion et nous dit qu'un gigantesque coup d'éponge est
passé sur nos fautes !
Nos fautes de prisonniers ?
Merci, lesquelles ,
Je croyais déjà que la captivité nous valait une bonne dizaine de séjours au purgatoire !
En ce moment, il fait beau. Tant mieux !
Car dans ce pays de Pologne, cent fois plus moche que la Prusse, ce n'est que boue
et froid !
Le 30 mars 1945, au moment où ma gale semble disparaître, ma main gauche enfle et
j'ai la figure pleine de boutons !
Crénom d'un chien, je ne vais pas m'en sortir !
Et toujours pas de départ.
Ils nous faut languir, les Popoff !
1er avril 1945. je passe mes journées à tenir ma main gauche, très enflée, dans un récipient plein d'eau chaude, en contemplant les barbelés qui nous provoquent !
Liberté chérie, où es-tu ?
Est-ce un phlegmon ? Mais Zoui !
Hier, mardi 3 avril, je suis passé sur le billard !
Pour la deuxième fois, on m'ouvre un phlegmon.
La première fois, étant tombé sur le coude à la laiterie, et maintenant, ici à Bialystok.
J'ai gueulé comme un putois !
Car évidemment, pas d'anesthésie, même locale.
Il y en avait un qui versait de l'éther, à même sur la main, pendant que l'autre, que j'ai
supposé être un chirurgien (!?!), taillait dans la chair dure comme du bois !
C'était terrible, comme souffrance !
Et avec ça, complication d'une lymphangite.
On m'a fait comprendre que 2 jours plus tard, j'y restais !
Charmant !
Maintenant, ça va mieux. Ca commence à se guérir.
Si ça ne se complique pas, j'espère partir au 1er convoi avec les copains, mais combien de
temps dureront mes soins à l'hôpital de Choroszcz ?
Ca alors, c'est bien ma veine, si près de la classe !
(1) Coupure de presse insérée au texte par Gabriel Noury (source ?).
-Article dans la rubrique "Guerre mondiale (2ème) : Diem perdidi (6)".
Soldats de l'Armée rouge à Berlin devant la porte de Brandebourg, avril-mai 1945 (source wikipedia).
Les idées les plus sombres :
"Katinisation ou déportation en Sibérie" qui nous ont hantés dès notre capture par les
Russes individuellement ou par petits groupes, reprennent de plus belle, et collectivement
cette fois-ci ; le moral des gars au camp étant des plus bas.
Cela se comprend.
On mangeait déjà plus mal que les cochons prussiens (ce qui n'est pas peu dire !) et
maintenant, il n'y a plus rien du tout !
Dans quelques temps, nous allons crever de faim... et de froid, et puis ces histoires de
guerre (armistice, désaccords, frictions, etc) et surtout, cette carence de départs.
Depuis plus d'un mois, on nous promet un convoi dans quelques jours, et toujours rien !
Pourquoi ?
L'hypothèse d'une épidémie de suicides n'est pas à écarter.
Il y a déjà de nombreuses évasions, mais vite avortées !
Les barbelés (car nous sommes officiellement internés, prisonniers) et les mitraillettes ne valent pas les doux horizons de France.
Ah ! Quand donc, serons-nous enfin chez nous, heureux ?!
Quel bien cela me fera de pouvoir enfin marcher dans une rue, sans contrainte, m'asseoir
dans un jardin, regarder le monde se mouvoir autour de moi, être confortablement installé
dans une chaise dans ma maison, manger à ma faim, faire ma toilette, ou ne rien faire du
tout, si j'en ai envie !!!
Vivre enfin !
Autant de choses interdites et impossibles, même dans un rêve, ici !
Retrouver, avec joie, fiancée, parents, amis, en bonne santé.
Moi, quelque peu disjoncté, après tant d'épreuves, il me faudra repartir à zéro.
Je profite de ce séjour à l'hôpital pour écrire des contes et un peu d'autres proses.
Cela m'aide à trouver le temps moins long et moins cruel !
Ma lymphangite est terminée et mon phlegmon se guérit.
Le 12 avril 1945, je sors de l'hôpital de Choroszcz.
On nous permet d'envoyer du courrier ?
J'envoie une lettre à Juliette et une carte à maman.
Mais ce courrier arrivera-t-il ?
Le 18 avril, l'adjudant Mercier (un chic type), Mouillot et Julot, ayant été "relevés" de la
C.H.R, je donne ma démission.
Nous sommes affectés au 8e Bataillon.
Le 23 avril 1945, on nous annonce que les Russes sont à Berlin et qu'au sud, les
Américains et les Russes ont fait leur jonction.
Chic ! Mais l'angoisse, qui règne ici, est toujours aussi forte ?
Tout le monde a peur !
Nous sommes gardés dans des barbelés, par des sentinelles en armes, toujours un peu
nerveuses, donc très dangereuses.
Passez-moi les Alliés !
1er mai 1945.
Ces derniers jours, péripéties, changement radical de politique envers nous.
On nous a annoncé officiellement hier, que tout le camp de Choroszcz, à Bialystok, sera
évacué les 5,7,9 et 12 mai !
C'est la joie !
Les traits se détendent et les sourires reviennent sur nos visages creusés par la crainte.
Doute d'abord, puis délire !
-Article dans la rubrique "Guerre mondiale (2ème) : Diem perdidi (6)".
Magazine officiel de l'US Army annonçant la mort d'Hitler, le 2 mai 1945 (Voir "Adolf Hitler" wikipédia).
Ce matin, fête du 1er mai (1945), discours en français et en russe.
Mésentente complète entre prisonniers français et... italiens, peu appréciés par nous !
On nous dit que nous rentrerons par Odessa.
Chouette !
Mais c'est quand même beaucoup plus long que par l'Allemagne directement, et puis
traverser toute cette immense Russie, cela comporte peut-être certains risques, c'est
certain même.
Et puis, j'aurais tant voulu être à Angers avant le 14 mai, ou le 17 !
Désillusion... c'est dur.
Ca y est ! Le 4 mai, départ de Bialystok... mais, est-ce pour un autre camp ?...
On nous entasse, pêle-mêle, dans des wagons à charbon sans toit, dans la poussière noire
mêlée à la neige.
Rien à bouffer et ça brinquebale !
Mais nous sommes partis !
Nous quittons la Pologne en direction de Brest-Litovsk.
Nous traversons les Marais du Pripet (du nom de la rivière qui les traverse), près de Pinsk.
Le paysage est laid, en ruines.
Nous sommes en Biélorussie (Russie blanche).
La rivière Pripet, qui se jette un peu avant Kiev dans le Dniepr, serpente avec ses glaçons,
à travers des marais immenses recouverts de neige et de glace.
C'est triste, triste à contempler.
Nous arrivons à Kovel, petite ville russe.
Comme nous sommes dans des wagons à découvert , et que le train, essoufflé, va très
doucement, il est vrai que la voie ferrée est très endommagée par les combats, nous
sommes aux premières loges pour "admirer" le paysage.
Tout n'est que désolation.
Tout est en ruines, les forêts, elles-mêmes nombreuses, sont déchiquetées par les obus.
Quand les arbres ne sont pas couchés, il ne reste que des demi-troncs cisaillés.
Tout le sol est remué, bouleversé.
C'est un véritable paysage apocalytique !
On a même vu, chose étrange et presque incompréhensible, un blockhaus, un très gros
bunker en ciment massif, complétement retourné sur le dos !
Il a dû falloir une sacrée dose de dynamite pour faire sauter en l'air un pareil mastodonte !
Nous n'en croyons pas nos yeux !
Puis, nous passons à Rovno dans la province du Dniepr.
Nous arrivons à Chepetovka.
Là, un incident majeur a failli tourner à la catastrophe.
Le train, qui devait se diriger sur Vinnitsa et Odessa, oblique en direction de Kiev.
Nous pensons aussitôt : nous allons vers l'est, c'est-à-dire dans une autre direction que
celle prévue !
Ca y est, ils nous envoient en Sibérie !
C'est la panique dans toutes les têtes. Nous allons être déportés en Sibérie !
Heureusement, notre ami André Flaum, qui est avec nous dans le train, comprend
aussitôt la situation.
Comme il parle couramment le russe, il passe de wagon en wagon, grimpant par-dessus
tout le monde et arrive, avec grande difficulté à la locomotive.
Là, il discute avec le conducteur qui est ivre et qui ne veut rien entendre pour reprendre
la bonne direction.
Alors, il fait le même chemin en arrière, et demande à tous les prisonniers de donner
quelque chose : argent polonais, bagues, chocolat pour les rares qui en ont encore.
Et muni de ces cadeaux, il retourne à la locomotive.
Âpres discussions.
Nous arrivons à Kiev. Nous nous arrêtons en gare.
Là, nous voyons de belles dames, rouge aux lèvres, très bien habillées, de beaux messieurs, mais à côté, de pauvres types en haillons, les pieds entourés de guenilles, en guise de chaussures.
Ici, il y a deux classes bien distinctes.
Les gens du Parti, riches, et les autres, miséreux !
La ville de Kiev est belle, moderne, de grands buildings s'élèvent un peu partout.
De temps à autre, un poste de radio, situé dans une maison (tout le monde n'en a pas !),
diffuse nouvelles politiques et autres.
Les gens, dans la rue, se rassemblent en grand nombre pour écouter.
-Article dans la rubrique "Guerre mondiale (2ème) : Diem perdidi (6)".
Signature de la 1ère capitulation allemande à Reims, le 7 mai 1945 (1).
Photo Wikipédia.
Kiev, ancienne capitale de la Russie, est la capitale de l'Ukraine, très belle province,
presque un pays, très riche, car très agricole.
En la traversant, on ne voit que champs cultivés à perte de vue.
On ne voit aucun arbre, aucune haie, la plaine dans son immensité.
C'est monotone quand même !
Comme les discussions continuent, le train est toujours arrêté.
La nuit tombe, il fait très froid.
Nous descendons sur le quai pour nous dégourdir les jambes dans la neige.
Un camarade a une idée lumineuse, il s'approche de la locomotive et nous dit :
"On va se réchauffer !".
Expérimenté sans doute, il tourne un petit robinet à l'avant de la loco, sans se faire
remarquer du conducteur, met un gobelet dessous, et de l'eau chaude remplit celui-ci.
Il la boit avec une satisfaction non dissimulée et nous tend le récipient à tour de rôle !
Nous sommes 4 ou 5 à en boire, dont moi, bien sûr, car un pareil... grog bien chaud, ce
n'est pas tous les jours que ça arrive !
Ca fait du bien, et vraiment, ça réchauffe les boyaux !
Seulement, quelques instants après, on commence à faire la grimace.
Nous réalisons que l'eau de la locomotive est additionnée d'un détartrant quelconque, et
que ce produit, bon pour la machine, n'est pas forcément bon pour nous !
Ca va peut-être nous perforer l'estomac.
Nous ne sommes, quand même, pas trop rassurés.
André Flaum nous fait signe de remonter rapidement dans nos wagons-couchettes (!), car
le train va redémarrer.
Il a réussi à convaincre le poivrot-conducteur de faire demi-tour et de revenir à
Chepetovka pour reprendre la bonne ligne vers Odessa !
Nous grimpons vite, et en route !
Un peu de nourrture (du pain noir et un peu de margarine) nous a été donnés à la hâte !
Ca fait du bien.
Nous revenons donc doucement, et à l'embranchement voulu, nous "piquons" vers le sud !
Sauvés, car on peut dire que grâce à Flaum, un miracle s'est produit !
... La Sibérie, Brrr !!!
Comme nous descendons vers le sud, et que nous sommes au printemps, le temps s'est
réchauffé et il fait beau. Tant mieux. C'est plus facile à supporter.
Nous arrivons enfin à Odessa, le mardi 8 mai 1945 (1).
Deuxième bonne nouvelle :
La guerre est finie !!!
C'est la joie ! Enfin ! On va pouvoir vivre !
Nous sommes assez bien reçus à Odessa.
On nous parque dans un ancien sanatorium (c'est un tic !) situé à 500 mètres de la Mer noire.
Le rivage est splendide et la ville très moderne.
En arrivant dans les locaux destinés à nous recevoir, une petite surprise, à l'accueil, nous
attend !
Des femmes-soldats, en uniforme, baraquées comme des armoires normandes, nous font
déshabiller entièrement.
Un peu gênant, mais bah ! On en a vu d'autres, à la guerre !
Ces femmes s'arment alors d'une espèce de balayette qu'elles trempent dans un grand
seau plein d'un liquide blanchâtre, quelque peu inquiétant, et nous badigeonnent les
aisselles, et aussi entre les jambes !
C'est du Crésyl pour nous désinfecter !
Mais, aïe, aïe, aïe ! Ca pique dur !
Nous nous dépêchons de nous habiller pour calmer ce feu imprévu !
Drôles de moeurs !
De même, pour dire bonjour, les hommes s'embrassent sur la bouche, pouah !
Les femmes aussi, nous n'apprécions pas toujours quand ça nous arrive !
C'est la coutume en Russie... alors... !
(1) Le 7 mai, à Reims, au GQG d'Eisenhower, les représentants militaires allemands, Jodl et von Friedeburg, signent l'acte de capitulation de l'Allemagne nazie (un second est signé le lendemain à Berlin).
Le 8 mai 1945 à 15h, à Paris, le général de Gaulle annonce à la radio la fin de la guerre à l'Ouest.
Le 2 septembre, le Japon signe la convention de reddition des Alliés (où la France est représentée par le général Leclerc) à bord du cuirassé américain Missouri, dans la baie de Tokyo.
Sources : "La Seconde Guerre mondiale..." du général (cr) Jean Delmas, Hachette 2008
et "cheminsdememoire.gouv.fr" à "Le 8 mai : fête de la Victoire de 1945".
-Article dans la rubrique "Guerre mondiale : Diem perdidi (6)".
Photo à venir.
Le soir (du 8 mai 1945), par centaines à la fois, nous sommes dirigés dans un grand et
vieil immeuble où nous montons au 3ème étage.
Là, une salle immense, sol carrelé, est pourvue de nombreuses pommes de douche.
En attendant notre tour, nous nous couchons sur le carrelage, mais nous sentons vibrer
celui-ci et nous sommes inquiets en ce qui concerne la solidité et la sécurité.
Vu le poids de tous, allons-nous passer au travers ?!
Non, ça tient.
Alors, à poil sous la douche !
Ca fait du bien, après 5 ou 6 années sans !
Nous rentrons ensuite à notre sana, mais nombreux sont les camarades qui, comme moi,
prennent la poudre d'escampette pour aller faire un tour en ville et visiter les quartiers etle port.
Ce port est rempli comme un oeuf, de très grosses caisses en bois contenant des armes et
des munitions venant d'Amérique. C'est marqué dessus.
Les Américains approvisionnent abondamment les Russes, et c'est grâce à cet
apport massif de munitions, de matériel et de nourriture que les Russes ont pu tenir et
vaincre.
Mais notre escapade fut de courte durée.
Tout d'un coup, des rafales de mitraillettes et des coups de fusils crépitent à tous les coins de rues.
Ca claque de toutes parts et sans interruption !Il faut vite se flanquer le long des murs pour éviter d'être transformés en passoires !
Les balles traçantes passent devant nos yeux.
Nous commençons à paniquer !
Et nous nous hâtons, avec lenteur, afin de rejoindre au plus vite notre sana-refuge !
Là, des soldats russes de service, nous expliquent que ce sont tous les militaires de la
garnison d'Odessa qui fêtent et célèbrent, à leur manière, en déchargeant n'importe où,
n'importe comment leurs armes, pour manifester leur joie de voir la guerre finie !!!
Nous comprenons qu'ils extériorisent leur bonheur de voir cesser cette boucherie, ces
atrocités, ces années de souffrance, de voir enfin leur pays libéré, mais on aurait aimé être
prévenus afin de ne pas nous trouver au milieu de ce débordement !
Et cela a duré encore une bonne partie de la journée.
Si bien que ce 9 mai, nous sommes restés tranquillement au bercail.
Le 10 mai 1945, le calme étant revenu, nous pouvons de nouveau poursuivre notre visite
en ville.
Nous en profitons même pour faire trempette dans la Mer noire, qui est bien bleue.
Oh ! Pas une vraie baignade, non , mais les jambes jusqu'aux genoux.
L'occasion était trop belle pour la manquer !
Ce n'est pas tous les jours que ça arrive !
Odessa, se trouvant sur la même latitude que la Rochelle, en France, l'eau n'est pas
froide, seulement un peu fraîche, car nous ne sommes qu'en mai.
Et ça nous fait tellement plaisir !
Le rivage est très beau, c'est leur Côte d'Azur à eux !
Et puis, un semblant de liberté, c'est le Paradis !
Le 11 mai, on nous annonce un convoi de trois gros navires pour notre embarquement.
Nous sommes très surexcités, très impatients, car à chaque minute, nous risquons d'être
consignés pour une période d'une quinzaine de jours, une épidémie de typhus sévit sur la
ville, à l'état endémique chez les Russes et les Polonais.
Déjà, deux camps de Français à Odessa sont consignés, et il y a des malades et des
morts !
Pas drôle du tout ! Arriverons-nous à passer à travers ?
Ce serait bien notre veine d'attraper le typhus à la veille d'un si beau jour !
Ah ! Notre cauchemar, commencé il y a 6 ans, nous poursuit encore.
C'est terrible !
-Article dans la rubrique "Guerre mondiale (2ème) : Diem perdidi (6)".
Photo du Tamaroa (ex-Sophocles) extraite du site "www.simplonpc.co.uk".
Voir aussi notre lien identique dans "Blogs et sites préférés" à "G.M 2, Tamaroa/Sophocles 2" et note 1.
Enfin, le samedi 12 mai 1945, on nous fait quitter notre camp et on nous dirige vers le
port !
Cette fois-ci, ça approche vraiment.
C'est la libération DEFINITIVE des Allemands... et des Russes !
Sur le quai, devant nous, un énorme bateau anglais, le "TAMAROA" (1).
La passerelle s'abaisse et lentement, un à un, nous montons.
Nous passons entre deux officiers, un Russe et un Anglais.
En passant, nous saluons... l'Anglais, et nous ne regardons pas le Russe !
C'est peut-être méchant, mais c'est plus fort que nous (2) !
Les soldats de 2e classe, la grande majorité, sont installés, les pauvres, à fond de cale.
Ils ne verront pas grand'chose.
Nous, les veinards, disposons d'une cabine pour quatre.
Le grand luxe ! Non pas vraiment, mais bien quand même.
Gabriel Mouillot, qui est sergent-chef, et moi-même, deux inséparables depuis déjà
plusieurs années, deux bons amis de toujours, partageons notre cabine avec l'adjudant
Mercier que nous connaissons bien, et un autre sous-off, mais sympa.
Nous ne partirons que demain.
Pourvu que je n'aie pas le mal de mer, car je me souviens des trois jours et trois nuits en
Atlantique pour aller au Maroc, et autant pour le retour, j'étais malade !
Mais la Méditerranée est plus calme.
Là, au calme, sur ce paquebot, nos pensées font un petit tour en arrière :
Les bombardements, les aventures terribles d'avant notre capture par les Allemands, les
angoisses et les souffrances physiques et morales de la très longue captivité, le désespoir
d'être loin des siens, la faim.
Puis, l'horrible déferlement des hordes russes et mongoles, massacrant hommes, femmes,
enfants, les cris déchirants des femmes violées, toutes, le froid -30° (-42°en Prusse), la
neige, à nouveau la faim en Pologne et en Russie, les maladies et les opérations sans
insensibilisation, les craintes-terreurs d'être, comme certains, déportés en Sibérie, ont
malheureusement ébranlé notre santé et nous ont affaiblis.
Nous sommes de pauvres loques. Et que va-t-on trouver en rentrant en France ?
Ce n'est qu'en fin d'après-midi qu'on nous a donné un repas.
Les Anglais font d'ordinaire un copieux petit déjeuner et un bon dîner. Pas de déjeuner à la
française.
Donc, vers 16h 45, dans un grand réfectoire, nous avons mangé à notre faim, pain blanc de
riz et porridge chaud.
Quel festin, mes amis ! Et sur des tables propres ! Enfin, un commencement de civilisation.
Ca nous change des soupes d'avoine ou de persil des Russes que nous avons mangées
chaque jour depuis plusieurs mois !
Dimanche 13 mai 45.
Mer calme. Je ne suis pas entièrement en forme, mais ça va aller.
Nous allons sur le pont et nous admirons Odessa et la côte.
Lundi 14 mai (souvenirs, souvenirs !).
J'aurais tant voulu être auprès de ma fiancée en ce jour mémorable !
Et dire que je n'y serai pas non plus pour sa fête, le 17.
La mer est calme comme une mer d'huile.
A 12h 30, les moteurs du bateau s'énervent et... nous nous détachons du quai.
Nous partons !!! Adieu, terre inhospitalière...
Vive la Mer et la Liberté !
(1) Concernant le Tamaroa (ex-Sophocles) 1926-1957 (construit en 1922 pour Aberdeen line), qui servira à transporter des troupes à partir de 1940, voir le site anglais "www.the shipslist.com" avec les caractéristiques et la "carrière" de ce bateau.
Voir aussi notre lien qui y fait référence "G.M 2, Tamaroa/Sophocles" dans "Blogs et sites préférés".
(2) Note à venir.
-Article à la rubrique "Guerre mondiale (2ème) : Diem perdidi (6)".
Autre photo du Tamaroa (ex-Sophocles) extraite du site "www.simplonpc.co.uk" et notre lien identique à "G.M 2, Tamaroa/Sophocles 2" (1).
Nous nous éloignons lentement de la côte.
A notre gauche, la presqu'île de Crimée que nous ne voyons pas, à 50 km de nous, et à
droite, la Bessarabie soviétique et la Roumanie.
C'est très agréable de contempler la mer, et très reposant.
Puis, toujours à notre droite, la Bulgarie qui se rapproche.
Enfin, au loin, la Turquie d'Europe que nous commençons à voir.
Puis la nuit arrive. Nous ralentissons.
Le lendemain de notre départ, dès le matin du 15 mai, nous entrons dans le Bosphore
(passage du Boeuf), étroit passage entre l'Europe et l'Asie.
Ces deux côtes rapprochées sont très belles.
Puis nous nous engageons dans la superbe baie de Constantinople, Istanbul maintenant,
cette baie dénommée "La Corne d'Or".
La ville s'étale nonchalamment tout autour, avec majesté. ses nombreux minarets se
dressent fièrement vers le ciel.
Nous faisons halte pour la journée et nous avons donc tout le temps pour admirer ce site
merveilleux.
Ca grouille partout en bas, sur le quai, et dans les rues avoisinantes.
Nous avons la visite du consul de France qui monte à bord (2).
De nombreuses petites embarcations sillonnent la Corne d'Or, des caïques qui transportent
gens et marchandises.
Le Bosphore, étroit, nous a permis de bien distinguer les villes accrochées sur ses rives :
Péra, la ville moderne, Galata et sa fameuse tour sur le côté européen, sur la rive
asiatique, de nombreux villages et quelques villes parées de vieilles mosquées avec leurs
minarets finement élancés, Skutari et son célèbre cimetière dont on perçoit distinctement
les vieilles stèles, au milieu de cyprès séculaires.
Le souvenir de Pierre Loti et de sa petite amie Aziyadé, dont la tombe est près d'ici, à
Top-Kapou, plane dans les esprits (3).
De Galata et de Pera, on voit la vieille mosquée Suleïmania de Soliman 1er
le Magnifique, qui est encore plus haute que Sainte-Sophie.
Les rives du Bosphore sont meublées de nombreuses maisons étagées qui sont au bord
même de l'eau et qui sont accrochées aux collines.
Au sommet de ces collines qui bordent le Bosphore, des remparts crénelés, ponctués par
d'importantes tours, rappellent Byzance.
Nous sommes tous conquis par tant de beauté et tant d'histoire, et nos yeux ébahis ont
peine à tout enregistrer !
La Tour de Léandre, à l'angle du Bosphore et de la Corne d'Or, annonce Istanbul, vautrée
nonchalamment autour de cette merveilleuse baie.
D'innombrables mosquées, flanquées de leurs minces minarets, s'élancent vers le ciel.
Celle de Sainte-Sophie se détache nettement, encadrée de ses quatre superbes minarets.
Tous, sur le pont du paquebot, admirons sans réserve cette ville extraordinaire, qui paraît
sale, mais qui est si prenante.
Nous aimerions bien descendre à terre pour pouvoir l'admirer de plus près et nous
regrettons de ne point avoir d'appareils photographiques !
Au crépuscule, quand le soleil rougeoie, la Corne d'Or apparaît, recourbée et scintillante,
comme un cimeterre !
Une féerie ! Mais les coups de cloches, sur le pont, nous intiment l'ordre de regagner nos
cabines ! Dommage.
Le lendemain matin, à 6 heures, nous quittons Istanbul.
(1) Le site "State Library of Victoria" (www.slv.vic.gov.au) présente encore 2 autres photos du Tamaroa.
Voir aussi notre lien "G.M 2, Tamaroa/Sophocles 3".
(2) Note à venir.
(3) Pierre Loti n'aurait pas été dépaysé chez Gabriel... des tapis orientaux, des décors en lien avec son séjour au Maroc !
-Article dans la rubrique "Guerre mondiale (2ème) : Diem perdidi (6)".
Photo à venir.
Nous traversons la Mer de Marmara qui est très belle, mais aussi très large, et nous voyons
moins de choses évidemment que dans le Bosphore.
Cependant, nous voyons nettement les restes des remparts construits lors des croisades
pour se défendre contre les "infidèles".
Quelques îles, par ci, par là.
Nous passons lentement le détroit des Dardanelles, de funeste mémoire (!) qui n'a pas
la beauté du Bosphore (1).
Nous sommes l'après-midi du 16 mai et, en quittant ce détroit, nous débouchons dans la
Mer Egée, entre la Grèce et la Turquie d'Asie.
Puis, nous nous glissons dans les Cyclades.
Ce sont de très nombreuses petites îles qui forment un cercle (d'où leur nom) autour d'une île plus importante, Délos.
Les plus connues sont Santorin, Syros, Milo (et sa Vénus) et Mykonos.
Ces îles, à la terre orangée, se détachant de la mer bleue et du ciel très bleu, lui aussi,
sont très éclairées par le soleil, et sont un ravissement pour l'oeil.
C'est vraiment magnifique, d'autant plus que nous passons très près d'elles, et nous
pouvons, ainsi, les admirer goulûment !
Quelle beauté ! Les maisons sont d'une blancheur !
Mais brusquement, notre navire, qui jusqu'ici flottait délicatement sur la surface plane de
l'eau, comme un papillon, sans bruit, fait rugir ses moteurs, stoppant presque en amorçant
une marche arrière, et virant brusquement sur sa droite !
Branle-bas de combat sur le pont !
Les marins s'affairent, des ordres brefs claquent comme des fouets !
Que se passe-t-il ? La curiosité fait bientôt place à l'inquiétude.
DES MINES ! Il y a des mines sur la mer, à l'avant du bateau (2) !
Heureusement, quelqu'un les a détectées à temps !
Nous aurions tous sauté en une fraction de seconde !
Ce sont les Allemands qui les ont mises ici, avec leurs sous-marins.
Ah ! Les vaches ! Et nous qui croyions en avoir fini avec tout danger !
Il s'en est fallu de peu !
Nous reprenons notre route, entre les îles, lentement, heureusement, car à plusieurs
reprises, nous en avons rencontré d'autres.
Pas trop rassurés, quand même.
Le bateau, à chaque fois, stoppait et se détournait, puis reprenait sa route avec prudence.
Le danger régnait partout !
Nous sommes passés entre Cythère et Anticythère. Joli.
Puis, nous nous sommes dirigés vers la Crète.
Nous obliquons à droite et nous nous rapprochons de la presqu'île du Péloponnèse, au sud
de la Grèce.
Nous entrons dans la Mer Ionienne et fonçons vers l'Italie.
Pas d'incidents à signaler dans ces parages.
La vie à bord se passait normalement. Deux repas par jour.
Le jour, nous étions sur le pont et nous regardions, quand la terre n'était pas visible, les
mouettes virevolter autour des mâts, ou parfois des dauphins qui nous accompagnaient.
Dire que nous fraternisons avec les Anglais, marins et soldats, serait exagéré.
En effet, ces sujets de leurs Royales Majestés nous considèrent un peu comme des
clochards, des inférieurs, en tout cas, et nous ne pouvions pas compter sur eux pour
engager la moindre conversation ou obtenir le moindre sourire !
Pas marrants ces Tommies !
(1) Note à venir
(2) A propos des mines, voir le site "Cheminsdememoire" et l'article "Le déminage en France après 1945" (notre lien "G.M 2, Déminage 1945").
-Article dans la rubrique "Guerre mondiale (2ème) : Diem perdidi (6)".
Photo du Stromboli, extraite du site www.volcanol.fr.
Nous arrivons en vue de la Sicile, ralentissons, et doucement, nous nous engageons dans le
détroit de Messine qui sépare l'Italie, proprement dite, de la Sicile.
Nous voyons la ville de Messine, sur notre gauche, car c'est assez étroit.
La côte sicilienne est composée de strates superposées qui forment la falaise, un peu
sombre.
Ce n'est pas très beau, mais cela a quand même un certain charme, un peu triste
toutefois.
Nous sommes le jeudi 17 mai.
C'est la fête à Juliette !!!
Et je suis encore loin...
Cela fait aussi, exactement cinq ans que j'ai été fait prisonnier : le 17 mai 1940 !!!
En abordant le Détroit de Messine, nous avons vu l'Etna, calme heureusement !
Puis Reggio di Calabria, en Italie.
Le détroit passé, nous piquons droit au nord, en mer tyrrhénienne.
Il fait toujours très beau et nous commençons à "sentir" la France !
Nous voyons maintenant le volcan Stromboli.
De jour, c'est très beau, mais le soir tombant, en tournant autour, c'est fantastique !
Il crache d'immenses flammes qui montent très haut dans le ciel, et la lave en descend,
incandescente, dans la mer.
Bien sûr, tout le monde veut voir cette force de la Nature, et tout le monde (environ 2000
personnes) se met à bâbord, mais au fur et à mesure que les prisonniers de guerre, que
nous sommes encore, arrivent sur ce côté, le paquebot commence à s'incliner
dangeureusement, déséquilibré par cette charge imprévue.
L'officier de quart, voyant que son bateau donne de la bande de plus en plus, et
prévoyant une catastrophe inéluctable, fait hurler les sirènes et donne des ordres
impératifs pour que la foule massée à gauche, se répartisse immédiatement sur
les deux côtés du pont, ou rentre à l'intérieur !
Des soldats et marins anglais se chargent aussitôt, sans douceur, de nous faire obéir !
Ce que nous faisons rapidement.
Ouf ! Nous l'avons échappé belle ! Quelle catastrophe !
Ah ! Nous ne sommes pas encore à Angers !...
De nuit, par les hublots de notre cabine, nous admirons encore ce volcan Stromboli,
toujours en colère, qui crache des roches en fusion à une centaine de mètres de hauteur.
C'est impressionnant et d'une beauté insoupçonnable.
Ca fait plaisir d'avoir vu, longtemps, ce phénomène.
Vendredi 18 mai 1945.
Il fait toujours très beau et la mer est toujours très bleue et très calme.
Heureusement, comme cela, pas de mal de mer. C'est vraiment agréable.
Vers 17 heures, nous apercevons la côte rocheuse de la Sardaigne, puis celle de la
Corse.
C'est une vue magnifique.
Nous nous engageons lentement dans le Détroit de Bonifacio.
Ce n'est pas large et nous avons le temps d'admirer les deux rives, et de voir la ville
corse.
Toujours merveilleux !
Il est 18 heures, et le soleil inonde les deux îles. C'est beau.
La nuit... et nous filons sans bruit vers le nord, vers la France.
-Article dans la rubrique "Guerre mondiale (2ème) : Diem perdidi (6)".
Voir la suite dans la rubrique "...Diem perdidi (7)".